Dessinée pour un magazine américain
à l'occasion de la journée de la Terre, La Planète encore
est traversée par un message écologique: "nous allons être
conduits à changer nos comportements et nos croyances ou bien crever".
En fait, cette bande est riche en réminescence d'oeuvres parrallèles
: les Jardins d'Edéna évidemment mais aussi l'univers des peintures
abstraites Le Quatre-vingt-huit ou Arzach auquel il est relié par l'emploi
de la technique du récit muet et de la mise en couleur directe ainsi
que par les lieux visités par Stel et Atan.
D'une certaine façon, La Planète Encore synthétise la
démarche Moebusienne. Conscient de ce que le lecteur dans une bande
dessinée a la possibilité d'imaginer l'histoire en comblant
le vide entre chaque case (en discourant à partir d'elles), Moebius
joue ici sur cet interstice par lequel une image, sans être dépourvue
de sens, se trouve ainsi doté d'une pluralité indéfinie
de nuances variant selon qui regarde la planche.( c'est toujours par le travail
de celui qui regarde la page qu'une image peut devenir à elle seule
récit. Le lecteur interprête toujours ce qu'il voit, faute de
pouvoir le saisir tel qu'il est en soi et une image peut être lue à
l'infini sans jamais être réellement vue).
Jouant sur le simulacre, la métamorphose et l'ellipse, La Planète
Encore relie l'univers de Stel et Atan aux préoccupations fondammentales
inhérentes à l'univers de Moebius. On est renvoyé à
cette liberté d'interprétation que celui-ci accorde au lecteur,
liberté propre à la logique du rêve à l'oeuvre
dans tout Le Monde d'Edéna.
La classique question du sens cède la place à la résonnance.
On demeure à l'écoute du sens, on en produit toujours, mais
ce qui se perçoit, par delà, est la vibration qui dégage
la conscience du poids de la signification exacte sinon du vouloir dire. La
communication de s'y opère plus à seule fin de discourir, ce
qui se dessine ici est une recherche de la non-intention pour retrouver un
peu de liberté a-lexicale où l'intention se porterai plus sur
les traces, les formes, que ce qu'elles sont censées représenter
et dont l'aboutissement serait une bande déssinée totalement
abstraite laissant la place à cet intervalle où la parole devient
indécise, où le système hésite.
Jean Annestay