Le Major Grubert, grand explorateur, mais aussi homme de science, a mis au point un formidable procédé permettant de créer un véritable monde à partir de n'importe quel astéroïde de troisième zone. Un tel monde, organisé sur trois niveaux, comme un oignon et ses pelures, produit forcément en même temps que sa genèse, un charroi de population, d'entités et autres artefacts plus ou moins transcendantaux...
De cette complexité socialo-spirituelle surgit bientôt le noyaux même du scénario ; une erreur malencontreuse de l'ingénieur Barnier, telle la mouche de Brasil, va provoquer le naufrage incontrôlable des forces qui se côtoyaient jusque là en bonne intelligence. La mission de reconnaissance de Samuel Mohad à bord de "Star Billiard" ayant échouée, le Major, inquiet, se rend en personne sur le monde afin de jauger les dégâts déjà commis et de rétablir l'ordre ; tandis que l'Archer, "héros de main" du major prends la protection de l'ingénieur Barnier. Mais certains ne l'entendent pas de cette oreille, les Bakalites, contrôleurs de l'espace-temps, Jerry Cornélius, envoyé du "Nagual", Sper Gossi, intronisé de nouveaux pouvoirs et le Seigneur Tar'aï, entité interne, n'ont de cesse que de participer à un complot ourdi afin de donner l'indépendance à ce monde, uvre du Major. C'est en quelque sorte contre la révolte de son propre enfant, que le Major-Frankestein, tente d'imposer le retour à l'ordre. Mais il est trop tard, sans doute cela n'est pas une question de temps et qu'il doit en être ainsi, la prise de conscience de chaque niveau de sa subordination au Ciguri ( vaisseau du Major et de sa belle fiancée Alvina en orbite autour de la planète oignon), rend irrémédiable la fuite du Major vers notre propre univers ( oui ! le notre, celui de la terre ), après avoir réalisé un parcours des trois niveaux en profondeur.
Ici, nous entrons dans la suite intitulée "L'homme du Ciguri". Le Major, qui, pour le Ciguri et son équipage est perdu dans le plan des planètes aléatoire, se retrouve en présence d'un certain Larcher, auteur d'un livre qui semble retracer de façon stupéfiante les événements survenus jusque là sur le monde fabriqué dans le plan parallèle. Il semble que ce archer soit en connexion cataleptique ( transe) avec l'univers dans lequel se produit la rébellion des niveaux. Intrigué, le Major ne s'en laisse pas moins séduire par Anne Laure au point de finir dans son lit. Au beau milieu de la nuit, nu, repus et perdu dans ses pensées, le Major assiste alors à sa rencontre avec lui-même. Le Major surréaliste en tenue d'explorateur sort d'un tableau coulissant, une porte interdimensionelle, et demande à son double paradoxal de retourner vers un autre plan afin d'échapper aux tentatives d'exterminations fomentées par le Tar'aï à son encontre.
Sur le Ciguri, Damalvina est aux prise avec ses désillusions et décide de retourner sur terre, vers la Californie.
L'édition originale de 1979 du Garage Hermétique
de Monsieur Jerry Cornélius, comprenait outre les épisodes des
MÉTAL 6 à 41, la toute première histoire dans laquelle
apparaît le major : " Les vacances du Major". Comme l'explique
Jean Giraud "MOEBIUS" lui-même dans l'avant propos, c'est
par le biais de ces planches que le Major Grubert va faire ses premiers pas
dans le monde fantasque et halluciné d'une bande dessinée qui
n'aura dès lors de cesse de nous entraîner au travers d'un univers
décalé, nourri par l'imagination débridée du maître
; nourriture pour une génération en pleine révolution
culturelle.
Au coté de l'histoire majeure du Garage, toujours dans cette édition
79, nous trouvons aussi, issue du Fluide n°2, une brève aventure
du Major en deux planches intitulée "The forbidden city rides
again", empreinte d'un humour irrésistible. "Paradis 9",
une sorte d'extrait encyclopédique qui vante la flore de paradis 9
; ainsi qu'une aventure du Major en deux nouvelles planches, trait humoristique
utilisant l'incongruité que l'on peut rencontrer parfois dans certaines
murs locales.
L'histoire du Garage Hermétique de Monsieur Jerry Cornélius,
quant à elle, se déroulerait, si tant est qu'il y ai un fil
conducteur, au travers d'un délire d'imagination, de rebondissements
incontrôlés, que j'ai personnellement décomposé
en une genèse ( MAJOR FATAL, 13 planches, MÉTAL 6, 1976 ), le
corps ( 35 épisodes, MÉTAL 6 à 41, 1976 à 1979
), et l'épilogue ( MAJOR FATAL 2 : l'Homme du Ciguri - H.A.1995 ) -
N'y voyez pas là le désir de morceler l'histoire elle-même
mais simplement une tentative d'éclaircissement quant aux différentes
périodes, disons, de mise en dessins de l'aventure du garage.
Sur cette page, ci-dessous, vous trouverez pour finir les quelques commentaires que je me suis permis humblement de commettre sur les tenants et les aboutissants de uvre. Quant aux autres historiettes incluses dans l'édition 79 (MAJOR FATAL), trouverons bientôt sur le site une place dédicacée.
Il semble, et il serait dommage qu'il en soit autrement,
qu'à la lumière de cette uvre maîtresse de MOEBIUS,
je puisse ici parler de ce qui apparaît comme étant les thèmes
Moebusiens. Évidement, ma démarche restera confinée à
un espace spéculatif, tant l'interprétation de uvre Moebusienne
tend à être différente lorsque l'esprit qui s'y attache
est lui aussi différent ( histoire de me montrer à moi-même
que j'ai peut-être compris quelque chose - chacun peut à son
tour élargir le champ du discours sur le forum du site...).
Le scénario du Garage aborde, parmi les plus flagrants, les thèmes
du voyage initiatique interne-externe, la notion de cycle ( de recommencement
perpétuel ), et de l'omniprésence de Dieu ou d'un dieu. En effet,
le Major Grubert accomplit, tout le long de l'histoire, un voyage (initiatique)
en profondeur. Sous la pression de la chasse qui lui est donnée, il
s'enfonce dans les couches du monde qu'il a crée. Franchissant les
portes d'univers intérieurs de plus en plus soumis à des règles
divines et spirituelles, il en vient à se rencontrer lui-même,
se sauver lui-même par l'utilisation du paradoxe temporel ( aux possibilités
infinies lorsqu'il est maîtrisé ).
Ce qui nous amène tout naturellement au thème du cycle, du recommencement
éternel. Ce recommencement naissant de la possibilité de corriger
les erreurs. Cette notion intéressante de maîtrise temporelle
viens de ce que l'univers étant courbe, il finirait par se rejoindre
lui-même, se "mordre la queue" en quelque sorte, et, qu'ainsi,
il serait possible de rejoindre n'importe quel point du temps ( intimement
lié à l'espace) à partir d'un autre. Imaginons le temps
comme une large courbe cousue d'une infinité de boucles ( autant qu'il
est sensé y avoir de point sur une courbe !). Mais, tout cela semble
bien technique et, bien sûr, ne fait figure que d'article de SF. Comme
pour le plein, existe le néant ; cette dimension technique du temps
ne saurait tenir sans la dimension complémentaire spirituelle et divine.
Ainsi, telle est la signification de la rencontre du Major avec ce qu'il me
semble être évident de comprendre comme étant Giraud lui-même,
penché sur sa table dessin. Il est révélé comme
"la divinité" de l'histoire elle-même.
Nous avons là une idée géniale, l'interpénétration
des différents plan de la création : dans la planche, doublement
sous le regard du lecteur et la plume du dessinateur, le héros rencontre
son maître. Comme dans le théâtre Mundi dans lequel les
acteurs jouent une pièce sous le regard d'un public aussi sur scène,
sous le regard d'un second public en dehors de la scène, et tout cela
sous le regard de Dieu, le créateur. On peut donc voir là exposé,
le cycle complet de la création, dont le niveau suprême serait
celui du rôle de l'analyse qui me permet de comprendre tout cela, et
ainsi de suite inversement, sous le regard de Dieu, re-analysé par
le dessinateur qui pourrait à nouveau écrire une histoire ...etc.
... tout est affaire de cycle, indissociablement lié au binôme
science-spiritualité qui introduit le parcours initiatique interne-externe.
C'est à l'humble lumière de ce qui précède et
la lecture des uvres maîtresses de MOEBIUS telles que L'Incal
et Le Monde d'Edéna, qu'il semble que ces mondes soient non seulement
en interconnexion de part les thèmes abordés sous des formes
différentes dans chacun d'entre eux, mais, et pour cause, obéir
aux mêmes obsessions de l'entité MOEBIUS - elle-même enfermée
dans celle de Giraud. Une sorte de construction en pelures d'oignon, comme
le Garage, l'Incal ou Edena.
Alors, reste à se demander ce qui, dans cet enchevêtrement, participe
de l'esprit de Jodorowsky, d'Apel Guéri ou Burger ? Et, bien heureusement,
je ne saurais y répondre.
E.ANTON